L’addiction se caractérise par la perte de contrôle d’une personne sur sa consommation d’un produit psychoactif ou sa pratique d’une activité.
La définition clinique
L’addiction se caractérise par la perte de contrôle durable d’une personne sur la consommation d’un produit psychoactif ou d’une activité (comme par exemple le jeu d’argent et de hasard, le visionnage d’images pornographiques) dont la répétition occupe de plus en plus de temps, au détriment des autres activités (vie sociale, centres d’intérêt, travail, sommeil…). La personne peut ressentir une souffrance à l’arrêt brutal de la substance ou de l’activité (syndrome de sevrage), mais le symptôme qui caractérise l’addiction est le craving, que l’on définit comme une pulsion ou une envie impérieuse et irrésistible de reproduire l’expérience à la base de la conduite addictive, et qui peut survenir pendant des années après un sevrage. Il est impossible de réduire ou de mettre fin à sa consommation ou à l’activité concernée en dépit de sa volonté et/ou les arrêts sont régulièrement suivis de rechutes ; cela, malgré des conséquences négatives importantes qui retentissent sur le bien-être physique, mental, social, financier, etc., et la souffrance liée à cette situation. Les parcours des personnes sont divers et constitués de fluctuations, de paroxysmes, de rémissions et de rechutes.
Le concept d’addiction
Le concept actuel d’addiction s’est construit progressivement, sous d’autres termes que le vocable « addiction » (toxicomanie, dépendance…). Au début des années 1990, la psychiatrie reprend le mot « addiction », créé dans le cadre de la psychanalyse, pour désigner ce concept. Celui-ci établit que les troubles observés résultent d’un processus psychopathologique commun aux addictions, avec ou sans consommation de substances psychoactives (addiction comportementale ou sans produit), relativisant ainsi le rôle des produits. Contrairement à la dépendance, l’addiction est un phénomène psychopathologique durable, responsable des rechutes, qui ne découle pas de l’effet physiologique (ou intoxication) des substances consommées : une même personne, peut-être, en même temps ou à des périodes différentes de sa vie, addicte à des produits ou des activités différentes.
La dépendance, ou même la pharmacodépendance sont encore souvent confondues avec l’addiction. Comme la tolérance, elle résulte d’une adaptation physiologique, de l’organisme à la présence répétée de la substance à un niveau élevée. Elle se traduit cliniquement par la survenue d’un syndrome de sevrage à l’arrêt. Il s’agit d’un ensemble de symptômes physiques et psychiques liés à la réadaptation physiologique de l’organisme à l’absence de la substance. Le syndrome de sevrage est un phénomène plus ou moins long, mais transitoire, même s’il peut empêcher une personne de réduire ou de cesser son usage. La dépendance est donc un phénomène assez rapidement réversible, à l’aide d’une cure de sevrage par exemple, alors que des prises en charge psycho-comportementales et éventuellement pharmacologiques, sont nécessaires face à l’addiction. La dépendance à une substance peut apparaitre en dehors d’une addiction. Elle survient, par exemple, de manière normale lors de la prise régulière de certains médicaments, dont l’arrêt doit alors être progressif (médicaments opioïdes, corticoïdes, béta-bloquants...). S’agissant des troubles addictifs comportementaux, les mécanismes apparaissent plus complexes. Le syndrome de sevrage constitue l’un des symptômes de l’addiction.
Les termes « dépendance psychique », qui étaient supposés faire référence à la dimension psycho-comportementale du trouble addictif, ont également été abandonnés, au profit du terme « addiction », car la dépendance psychique reste largement conçue comme résultant de l’effet physiologique du produit.
Un processus biopsychosocial
L’évolution de l’usage maitrisé d’une substance ou d’un comportement courant qui concerne le plus grand nombre, vers les troubles addictifs sévères pour une minorité de personnes, est un processus graduel constitué d’une continuité de situations plus ou moins problématiques. Certaines personnes sont plus vulnérables que les autres vis-à-vis de l’addiction, qui résulte de l’interaction entre des facteurs favorisants multiples, d’ordres physiologique, psychiques et socio-environnementaux.
Les recherches en psychopathologie et en neurosciences, ont également montré l’existence de processus psychopathologiques et physiopathologiques qui conduisent à l’apparition des troubles cliniques.
Des modifications spécifiques du fonctionnement cérébral
L’addiction est caractérisée par le dysfonctionnement de certains processus psychiques qui sont en lien avec des modifications spécifiques, fonctionnelles et anatomiques, des circuits cérébraux. Le point central est le dérèglement du circuit de la récompense, responsable des sensations de plaisir par la production de dopamine, en réaction à des activités, des consommations, ou encore des sensations agréables. Le fonctionnement d’autres circuits neurobiologiques concourant à sa régulation est également affecté, tels que ceux impliqués dans la régulation du stress, des émotions, de l’humeur, de la motivation ou contribuant à la prise de décision.
Les substances addictives peuvent agir directement sur le circuit de la récompense (système dopaminergique, dont le neurotransmetteur est la dopamine), mais peuvent avoir une action indirecte en stimulant d’autres réseaux neuronaux (système adrénergique, sérotoninergique…).
Un usage hétérogène du terme
En pratique « dépendance » ou « dépendance psychique » sont encore souvent employés comme synonymes d’addiction conduisant à des confusions.
Ni la dernière version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), ni celle de la Classification internationale des maladies (CIM-11) n’utilisent le terme d’addiction, qu’elles jugent trop vague. La CIM-11 conserve l’intitulé « syndrome de dépendance » dans les chapitres liés à chaque produit et lui donne les caractéristiques cliniques habituelles de l’addiction. Le DSM-5, publié en 2013, a, quant à lui, remplacé le terme « dépendance », qui était une catégorie diagnostique du DSM-IV-R, par « trouble de l’usage ». Cette nouvelle catégorie se rapproche du concept d’addiction en ajoutant le critère « craving » à sa définition, le syndrome de sevrage (qui signe la dépendance) constituant un symptôme possible du trouble de l’usage. Ce dernier résulte également de la fusion des catégories « dépendance » et « abus » de la précédente version, pour situer l’ensemble de ces situations cliniques sur un même processus psychopathologique.
Par ailleurs, au-delà de la définition générale, il n’existe pas de consensus sur les critères cliniques précis qui définissent l’addiction, qui sont encore débattus. Parallèlement, selon la personne qui s’exprime, le mot « addiction » recouvre des situations hétérogènes, intégrant, plus ou moins largement, des usages moins problématiques que le trouble addictif sévère décrit ci-dessus. En outre, une part des chercheurs considèrent qu’un trouble peut être qualifié d’addiction uniquement si l’on peut prouver l’existence des dysfonctionnements des circuit cérébraux qui la caractérisent. Enfin, le terme est fréquemment utilisé dans le langage courant, sans référence réel à son véritable sens, en particulier pour des comportements jugés problématiques.
Notes
La physiopathologie décrit l’ensemble des dysfonctionnements qui affectent un organisme ou un organe sur les plans physique (anatomique), biologique ou biochimique et qui concourent à l’apparition de troubles cliniques.
Le terme « manque » est parfois utilisé comme synonyme du syndrome de sevrage ou pour désigner les effets ressentis par l’usager. Ce terme, faisant surtout référence au sevrage de l’héroïne, est actuellement moins utilisé car il ne correspond pas aux effets du sevrage d’autres types de substance, comme la cocaïne.