Adressé à l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) : principales évolutions du phénomène des drogues et des toxicomanies en France

 

Rapport national à l'OEDT - 2002


Les rapports nationaux sont des documents dont la version finale est rédigée en anglais.
Les versions françaises mis à disposition sur ce site sont des documents intermédiaires, intégrant déjà pour la plupart une couverture et des titres en anglais, prédéterminés par l'OEDT.


En France la politique publique englobe depuis 1999 l’ensemble des produits psychoactifs (y compris licites), néanmoins cet état des lieux de la situation dans le seul domaine des drogues illicites en France intervient à un moment clef. A la fin du mois d’octobre 2002, six mois après les élections présidentielles et les élections législatives françaises, le gouvernement annonçait la nomination d’un nouveau président, Didier Jayle, à la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie chargée de coordonner et de mettre en oeuvre les actions des pouvoirs publics en la matière.

Niveaux de consommation

L’expérimentation (usage au moins une fois dans la vie), et plus encore la consommation actuelle (usage au cours des 12 derniers mois) de drogues illicites est marginale en France.

On note toutefois une exception notable, le cannabis, dont la consommation s’est largement développée en population générale pendant les années 90, et qui, en 2002, a été expérimenté par près d’un Français âgé entre 15 et 75 ans sur quatre (EROPP 2002). En fait, entre 1992 et 2002, les chiffres d’expérimentation du cannabis ont presque doublé sur la tranche d’âge 18-44 ans passant de 18 % (Baromètre santé 1992) à 35 % (EROPP 2002). Cette expérimentation est particulièrement banalisée chez les jeunes puisqu’à 18 ans elle est le fait d’un adolescent sur deux (ESCAPAD 2001). En général cette expérimentation a lieu un peu après 15 ans. La consommation régulière (au moins 10 usages au cours du dernier mois) de cannabis est en revanche bien plus faible : à 18 ans elle concerne moins de 7 % des filles et moins de 20 % des garçons. A titre de comparaison elle était en 2000 de 1,4 % entre 18 et 75 ans (Baromètre Santé 2000).

Concernant les autres substances psychoactives illicites, on note également une tendance à l’augmentation des expérimentations, notamment chez les jeunes adultes et les hommes. À l’exception des amphétamines, pour lesquelles la différence selon le sexe n’est pas significative, les hommes sont, pour toutes les drogues illicites, deux à trois fois plus nombreux que les femmes à en avoir déjà consommé au cours de leur vie. La cocaïne est après le cannabis la substance illicite la plus expérimentée par les 15-75 ans, suivie par l’ecstasy, les champignons hallucinogènes et le LSD, tous « devant » l’héroïne (EROPP 2002).

Chez les garçons et les filles de 18 ans (ESCAPAD 2001), les niveaux d’expérimentation des filles, tous inférieurs à 4 %, sont toujours plus faibles que ceux des garçons (de 1 à 7 %). Un peu moins de 5 % des jeunes ont expérimenté les champignons hallucinogènes, les produits à inhaler, le poppers ou l’ecstasy. Ainsi ce dernier produit, extrêmement médiatisé, n’a été expérimenté « que » par 2,7% des filles (derrière les produits à inhaler et le poppers) et 5,0 % des garçons (derrière les champignons hallucinogènes, les produits à inhaler et le poppers). L’expérimentation des amphétamines, du LSD, de la cocaïne, de l’héroïne ou du crack est encore plus rare : elle concerne, pour chacun de ces produits, moins de 2 % des garçons et filles interrogés. Quand elles ont lieu, ces expérimentations se déroulent majoritairement au cours de la dix-septième année.

Tendances émergentes

Au sein des populations déjà toxicomanes, la consommation d'ecstasy se développe dans l’espace urbain (centres de soins, rues, squatts et structures d’accueil dites de bas seuil). Majoritairement occasionnelle, elle concerne des populations plutôt jeunes et très diversifiées, y compris des personnes intégrées. En 2001, on observe une tendance à la baisse du prix du comprimé et de l’échantillon de poudre et une moindre dispersion de la quantité de MDMA par comprimé (ce qui traduit une probable uniformisation des produits). Autre tendance : l’augmentation de la disponibilité de cocaïne et de sa consommation chez les usagers de drogues, tant dans l’espace urbain que l’espace festif techno (lieux où se déroulent des événements festifs de culture techno). Cette disponibilité plus importante (les volumes saisis sont en forte hausse en 2001) s’accompagne d’une baisse des prix moyens du gramme ; en matière de perception, la banalisation de ce produit entraîne une altération de son image en milieu urbain. Même si ce produit reste à diffusion très confidentielle, une utilisation plus fréquente de la kétamine chez les usagers de drogues apparaît également. Sa consommation semble être le fait de groupes plus larges puisque parallèlement à sa diffusion en espace festif on note un usage de cette substance par une fraction minoritaire mais non négligeable des personnes fréquentant les structures de bas seuil ; il s’agit d’utilisateurs jeunes, essentiellement masculins, et qui commenceraient précocement l’usage de ce produit.

Problèmes de santé publique

Au total, on estime le nombre d’usagers d’opiacés ou de cocaïne à problèmes entre 150 000 et 180 000 personnes en France. Concernant le nombre des personnes prises en charge par les structures spécialisées (dont le nombre a beaucoup augmenté), les chiffres de novembre 1999 sont de 65 000 personnes, soit plus du double des chiffres de 1989 (28 000). S’agissant du produit à l’origine de la prise en charge, la part de l’héroïne et des opiacés reste majoritaire (62% en 2000) mais est en diminution au profit du cannabis (24% en 2000). Quant aux produits récemment consommés, 2001 constitue une rupture avec un mouvement de hausse pour l’héroïne après une baisse continue depuis 1995.

A propos du nombre de patients en traitement de substitution on estime qu’il était en France à la fin de 2001 de 90 000 personnes, dont un peu plus de 10 000 patients traités par méthadone. Les autres patients sont traités par buprénorphine haut dosage (BHD) ou Subutex®.

Les pratiques d’injection, sont à l’origine des principaux dommages sanitaires subis par les usagers de drogues. Mais la concordance de plusieurs sources va dans le sens d’une diminution de ce mode d’administration notamment chez les usagers les plus jeunes et ceux qui consomment depuis moins longtemps. Cette tendance s’explique certainement par l’impact des actions et des messages de réduction des risques réalisés par les pouvoirs publics ou par les associations investies dans le champ : l’injection est une pratique moins valorisée qu’auparavant et la perception du risque de contamination par les virus du sida ou les hépatites B et C est plus grande. Le développement de l’accessibilité des produits de substitution et l’influence de la culture techno qui promeut essentiellement des modes d’administration non injectables semblent également avoir

Le nombre de décès total dus aux drogues illicites ne peut pas être estimé. Cependant, les décès par surdoses enregistrés par les services de police se sont élevés à 107 en 2001, soit le niveau le plus bas depuis le début des années 90 et notamment le maximum enregistré en 1994 (564). Les décès liés à l’héroïne sont en baisse tandis que ceux liés à la cocaïne et aux médicaments sont en augmentation. L’année 2001 est marquée par l’émergence des décès liés à l’ecstasy : 8 au total dont 5 pour lesquels il s’agit du seul produit relevé. Le nombre de décès par Sida chez les usagers de drogues poursuit sa baisse amorcée en 1994 (1044) et s’établit à 101.

Action publique et perception par les Français

La diffusion de données fiables auprès des professionnels, mais aussi du grand public, était un des objectifs du plan triennal 1999-2001 (prorogé jusqu’en 2002) adopté par le gouvernement et mis en oeuvre par la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie. Interrogés en 2002 (EROPP 2002), Les Français sont un peu plus nombreux qu’en 1999 à se sentir informés sur le sujet : 61,0 % contre 57,9 %. Concernant ce volet « information », on note également la progression très sensible des connexions au site internet (www.drogues.gouv.fr) ouvert en décembre 1999 et mettant à la disposition de tous les données et connaissances sur les drogues et les dépendances ; enfin, le nombre d’appels vers DATIS, la ligne nationale d’aide téléphonique est également en augmentation (bien qu’en baisse les questions sur les drogues illicites sont toujours plus nombreuses que celles concernant l’alcool et le tabac).

Comme en 1999, plus de 8 Français sur 10 (EROPP 2002) jugent que la simple expérimentation d’héroïne ou de cocaïne est dangereuse. Par rapport à 1999, l’image de l’ecstasy s’est dégradée et rejoint celle de ces deux autres produits. La moitié de la population continue de juger que l’expérimentation du cannabis est dangereuse et deux tiers des personnes interrogées croient à la « thèse de l’escalade ». Seule la proportion d’enquêtés en faveur de la mise en vente libre du cannabis augmente nettement entre 1999 et 2002 passant de 17 à 24 %, alors que la loi du 31 décembre 1970 (malgré des aménagements dans sa mise en oeuvre et le fait qu’il ait notamment été demandé aux procureurs d’éviter l’incarcération des usagers n’ayant pas commis d’autres délits) continue de poser le principe de la répression de l’usage. Ainsi, au cours de l’année 2001 près de 80 000 interpellations pour usage ou usage revente de stupéfiants ont été effectués en France : elles représentent 93 % des interpellations pour infraction à la législation sur les stupéfiants), les 7 % restant se rapportant au trafic. Concernant les interpellations pour usage, le cannabis est la substance en cause dans 90 % des cas.

Concernant les grandes orientations de politique sanitaire, elles sont acceptées par les Français. Seuls 5 % d’entre eux sont opposés (le chiffre s’élevant à 21,5 % quand les personnes sont interrogées sur leur environnement immédiat) à la création de centres de soins pour toxicomanes. Près des trois quarts des Français (EROPP 2002) pensent qu’il n’est pas possible de parvenir à un monde sans drogues, marquant par là implicitement leur adhésion à un autre des axes prioritaires de la politique française en la matière : à défaut de pouvoir supprimer l’usage de drogues, être en mesure de réduire au maximum les différents dommages causés par celui-ci. Sept Français sur dix connaissent l’existence de la substitution et ils sont 8 sur 10 à être favorables à la prescription de ces produits. Concernant la vente de seringues sans ordonnance, 6 Français sur 10 la connaissent et ils sont également 6 sur 10 à y être favorables. Les Français sont également favorables à l’information sur le sujet des drogues (y compris licites) à l’école, donc à des actions de prévention.


A propos du plan triennal du 16 juin 1999


Le plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances (1999-2001, prorogé en 2002) a fait de la réduction de la demande un de ses axes prioritaires. Les principales orientations stratégiques et actions conduites pour mener à bien cet objectif ont été les suivantes.

une systématisation de la prévention à travers, notamment :

la généralisation des Comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) chargés d’assurer la prévention en milieu scolaire. Rassemblant autour du chef d’établissement la communauté éducative et les acteurs de la vie sociale et du quartier ils sont, en 2001, présents dans près de 7 écoles et établissements secondaires sur 10.

l’élaboration de programmes départementaux de prévention afin d’assurer au plan local la coordination départementale des actions de prévention sous la responsabilité des chefs de projets drogues et dépendances. Au printemps 2001, plus de la moitié de départements français (53) avaient rédigé un programme.

un repérage précoce tout en assurant la continuité de la prise en charge : Il s’agit, afin de garantir, une prise en charge précoce et adaptée (notamment à destination des jeunes « poly-abuseurs »), de rapprocher les structures et les professionnels du champ en favorisant le fonctionnement en réseau et le renforcement de la fonction de liaison entre les structures de prise en charge. Sur la période triennale on observe que, les équipes de liaison pluridisciplinaires dans les hôpitaux chargées d’orienter le patient vers le service ou centre de soins le plus adéquat ont été renforcées; on en dénombre 252 en 2000/2001. On observe par ailleurs que 40% des équipes jusqu’alors cloisonnées par produits consommés se sont rapprochées pour prendre en charge l’ensemble des comportements addictifs. En outre, près de 8 professionnels sur 10 connaissent l’existence d’un réseau de soins.

Réduction des risques et des dommages :

Un premier volet d’actions concerne l’élargissement de cette démarche aux jeunes dans les contextes festifs grâce à l’appui conjoint du réseau associatif et du réseau des programmes départementaux de prévention (PDP). Il s’agit tout d’abord, en s’appuyant sur les missions raves des grandes associations subventionnées, de contribuer à réduire les consommations dangereuses et leurs conséquences (par exemple en matière de sécurité routière). Par ailleurs des actions sont mises en place par l’intermédiaire des PDP : en 2001, 40% des départements français ont conduit des actions de prévention ou de premier secours sur les lieux festifs.

La poursuite et le développement de cette politique à destination des usagers les plus marginalisés se traduit notamment à travers un renforcement du dispositif : on note une nette augmentation des crédits alors que 87 départements sur 99 sont désormais couverts. En 2001 on dénombre 227 distributeurs automatiques de matériel d’injection stérile, 118 programmes d’échange de seringues, 42 boutiques (accueil socio-sanitaire d’urgence) et 4 « sleep’in » (dispositif d’hébergement d’urgence). La volonté de favoriser la médiation sociale en contribuant à établir le dialogue entre d’une part usagers et structures de réduction des risques et riverains d’autre part est également prise en compte comme en témoigne le projet pilote mis en place dans le 18ème arrondissement.

Développement de la substitution :

Afin de réduire le déséquilibre entre les deux traitements de substitution en France en favorisant le recours à la méthadone la circulaire du 30 janvier 2002 élargit sa primo-prescription aux médecins exerçant dans les hôpitaux (avant 2002 l’initialisation du traitement était limitée aux médecins de centres spécialisés) et donc favorise son accessibilité à des publics marginalisés accueillis à l’hôpital.

En parallèle, et afin de lutter contre le détournement de l’usage de Subutex®, le fractionnement de sa délivrance à 7 jours a été décidé par l’arrêté du 20 septembre 1999.

 


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Télécharger le Selected issue : Usage d’alcool et de drogues parmi les 12-18 ans
Télécharger le Selected issue : Exclusion sociale et réintégration