Adressé à l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) : principales évolutions du phénomène des drogues et des toxicomanies en France

 

Rapport national à l'OEDT - 2011

 

1. Politique des drogues : législation, stratégies et analyse économique

Au cours de la période 2010-2011, les nouvelles dispositions législatives ont principalement porté sur la lutte contre les profits du trafic de stupéfiants (loi Warsmann de juillet 2010 relative à la confiscation des biens criminels) et la sécurité intérieure (loi du 14 mars 2011). Dans le champ des addictions sans substance, la France a autorisé en mai 2010 le jeu d'argent et de hasard en ligne. La loi prévoit des dispositions préventives du jeu excessif ou pathologique ainsi que des mesures de protection envers les mineurs.

Les décrets, circulaires et arrêtés adoptés pour la mise en application des lois en vigueur entre 2010 et 2011 s'inscrivent, pour l'essentiel, dans le cadre d'autres lois en matière de vigilance des pouvoirs publics à l'apparition de nouvelles substances potentiellement dangereuses (liste des stupéfiants, liste des substances vénéneuses, liste des substances et méthodes interdites en milieu sportif, etc.).

Les orientations nationales de la politique gouvernementale impulsées en 2010 sont définies par le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies 2008-2011. En juin 2011, la MILDT a annoncé la réalisation de la quasi-totalité de ses 193 actions prévues. Trois autres plans nationaux se situent en continuité : le plan « hépatites » 2009-2012, le plan « cancer » 2009-2013 et le nouveau plan « personnes détenues » 2010-2012, porté par le ministère de la Santé et des Sports avec le concours du ministère de la Justice. Les mesures de santé publique prévues dans ces différents plans viennent renforcer l'axe sanitaire du plan gouvernemental 2008-2011.

À l'échelle territoriale, les orientations du plan gouvernemental sont déclinées dans les plans interministériels départementaux dont l'élaboration est confiée au chef de projet départemental. Le comité de suivi départemental, chargé de la coordination, cherche la cohérence avec les plans spécifiques du département (contrats de cohésion, contrats de ville, programme de santé publique, schéma régional médico-social, etc.). Le chef de projet départemental mobilise les efforts des acteurs locaux pour appliquer les orientations nationales de prévention ou de lutte contre le trafic. Pour la santé, le chef de projet départemental se rapproche du chef de projet régional, interlocuteur privilégié de l'Agence régionale de santé (ARS), devenue depuis l'adoption de la loi HPST en juillet 2009 « guichet unique de l'offre sanitaire à l'échelle territoriale ».

L'effort global de l'État en dépenses publiques pour la mise en œuvre de la politique des drogues en 2010 est estimé à 1 086,13 M€, selon les sources ministérielles (budget voté dans la Loi de finance initiale, LFI, pour 2010).

La mise en œuvre de la politique des drogues ne relève pas exclusivement de l'État, mais également de l'Assurance maladie (AM) qui porte le dispositif de santé de droit commun destiné aux usagers de drogues. Le financement des structures d'addictologie représente le premier poste de dépenses de l'AM. En 2010, il a été de 316,78 M€, dont 295,3 M€ pour les dépenses de personnel et de fonctionnement des structures existantes, 12,25 M€ pour le renforcement ou la création de nouvelles structures, 3,98 M€ pour la réalisation de nouveaux programmes dans les centres existants et, enfin, 5,25 M€ pour les structures d'addictologie destinées à l'accueil spécifique des usagers sous main de justice dans le cadre des conventions d'objectifs « santé-justice » . Le remboursement des médicaments de traitements de substitution aux opiacés (TSO) représente le second poste le plus important. Le délai de publication des données étant de trois ans, le montant du remboursement des traitements de substitution aux opiacés n'est pas disponible pour l'année 2010. En 2008, il atteignait 79,97 M€. Malgré la nette prédominance de la buprénorphine haut dosage (BHD) parmi les prescriptions des TSO, la proportion du remboursement de la méthadone poursuit sa progression : de 8 % en 2003 à 17 % en 2008. En 2008, le taux de variation constaté par rapport à l'année précédente reflète une baisse globale des remboursements des TSO d'environ 8 % (tous médicaments confondus). Le troisième poste de dépenses correspond au financement des établissements de santé pour la mise en œuvre des mesures prévues dans les plans d'action addictions. En 2010, l'Hôpital a reçu 39,72 M€. Ces crédits ont servi à quatre type d'actions : la mise en place de nouvelles équipes de liaison « addictologie » (en particulier au sein des établissements de santé autorisés en psychiatrie) ; la création ou le renforcement des consultations spécialisées en addictologie ; les séjours de soins complexes ou, encore, le fonctionnement des structures hospitalières hautement spécialisées et équipées en plateaux techniques.

Les bénéfices de la vente des biens confisqués par des procédures pénales d'affaires de stupéfiants sont affectés à un fonds de concours « Stupéfiants » géré par la MILDT. En 2009, il avait été abondé de 3,57 M€. La MILDT redistribue cette somme aux ministères chargés de la mise en œuvre de la politique des drogues.

 

2. Usages de drogues en population générale et au sein de groupes spécifiques

Les dernières données disponibles en population générale sont celles du Baromètre santé 2010. Les enquêtes sur les populations adolescentes et en milieu scolaire sont en cours de traitement (ESPAD 2011, ESCAPAD 2011 et HBSC 2010). Enfin, une étude multisites quanti-festif est en cours dans cinq agglomérations françaises.

Les données en population générale âgée de 15 à 64 ans indiquent une stabilisation globale des niveaux d'usage actuels du cannabis (autour de 8,3 %). La hausse de l'expérimentation de cannabis « mécanique » est liée à un effet de stock des générations anciennes de fumeurs. Parmi les produits plus rares, les poppers et la cocaïne enregistrent une hausse significative de l'expérimentation et de l'usage actuel (respectivement de 2,4 % à 3,6 % et de 3,8 % à 5,2 %). L'enquête révèle par ailleurs une hausse significative de l'expérimentation d'héroïne, passant de 0,8 % à 1,2 %, et des champignons hallucinogènes (de 2,6 % à 3,1 %), alors qu'au contraire l'ecstasy est en recul.

 

3. Prévention

En 2010, le Guide d'intervention en milieu scolaire en matière de prévention des conduites addictives a été actualisé. Il pose le principe d'un programme de prévention allant de la dernière année de l'enseignement primaire à la dernière année de l'enseignement secondaire. Sa première parution datait de 2005 sous l'égide de l'Éducation nationale et de la MILDT.

Sous l'égide de la MILDT, des assises sur la parentalité et le rôle des parents en prévention des usages de drogues se sont tenues en mai 2010. Le but était de mettre au jour les éléments de discours pour soutenir les parents dans leur rôle d'acteurs de prévention sur la question des usages de drogues licites ou illicites. Les débats ont orienté la campagne de sensibilisation gouvernementale destinée à l'ensemble des adultes référents, diffusée du 13 décembre 2010 au 3 janvier 2011 « Contre les drogues, chacun peu agir ».

Afin de définir des mesures ciblées adaptées aux contextes professionnels et d'apporter, de façon consensuelle, des modifications appropriées au code du travail, la MILDT a également tenu les assises « Drogues illicites et risques professionnels » le 25 juin. Le troisième volet de communication du plan gouvernemental s'est déroulé fin 2010. Il visait à amener les parents et l'entourage des adolescents à s'interroger sur son rôle de prévention. Trois spots différents et complémentaires ont été diffusés du 13 décembre 2010 au 3 janvier 2011. Un bilan partiel à partir des appels à Drogues info service indique un impact immédiat indéniable de ces spots (augmentation de 250 % des appels par rapport à la semaine précédant leur diffusion). Une version actualisée de la brochure « Cannabis les risques expliqués aux parents » a été diffusée dans des structures dédiées aux jeunes ou aux professionnels amenés à être en contact avec eux. Une autre action de communication, ciblant cette fois les jeunes sous forme de concours, a été menée par la MILDT en 2010.

 

4. Usage problématique

Une nouvelle étude multicentrique de type « capture/recapture » a été lancée fin 2010 sur 6 villes françaises : Lille, Lyon, Marseille, Metz, Rennes and Toulouse. Une nouvelle estimation nationale (portant sur : l'ensemble des UPD, les injecteurs et les usagers d'opiacés) devrait donc être disponible en 2012. L'étude ENa-CAARUD 2008 montre la vulnérabilité sociale importante des usagers qui fréquentent en 2008 les structures de réduction des risques.

Les évolutions marquantes concernant les usages et les modes d'usage sont :
- une diversification croissante des populations usagères ;
- l'extension de la diffusion de la cocaïne notamment vers des jeunes issus des quartiers populaires et des banlieues ;
- une consommation d'héroïne par des groupes de population plus variés, notamment les plus jeunes usagers, le milieu festif et des populations très insérées socialement ;
- une diffusion plus large de la kétamine.

De façon plus marginale, la diffusion des usages de GHB/GBL à des groupes de jeunes « teuffeurs » s'est traduite par plusieurs cas de comas au cours de l'année 2009.

 

5. Prise en charge : demande et offre de soins

Une circulaire parue début 2008 précise les missions des Centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). Ce nom unique désigne depuis 2009 les centres qui accueillaient auparavant principalement des usagers de drogues illicites (CSST) et les centres qui accueillaient uniquement des personnes en difficulté avec l'alcool (CCAA). Les missions des CSAPA sont à peu près les mêmes que celles des CSST ou des CCAA. Les CSAPA ont cependant l'obligation d'accueillir toutes les personnes ayant un problème d'addiction, quel que soit le produit en cause.

Les chiffres sur les nouveaux patients accueillis en 2009 dans les centres en ambulatoire ne font pas apparaître de modifications importantes dans les caractéristiques de ces patients. Comme les années précédentes, leur âge moyen continue de progresser. L'âge moyen des patients qui ne se sont jamais fait traiter auparavant semble en revanche être stable depuis 2007. Il peut également être noté en 2009 une augmentation limitée de la part des opiacés comme produit posant le plus de problème avec, en contrepartie, une baisse de la part du cannabis. L'utilisation de la voie intraveineuse pour la consommation des opiacés et de la cocaïne est à nouveau en baisse après avoir connu une augmentation en 2008.

En ce qui concerne les traitements de substitution aux opiacés près de 125 000 personnes ont bénéficié de tels remboursements en ville durant le deuxième semestre 2008 avec, spécificité française, une nette prédominance de la BHD représentant toujours 80 % de l'ensemble. Si une part de la BHD prescrite est détournée de son usage et qu'elle n'est pas toujours consommée dans le cadre d'un traitement, celle-ci a considérablement diminué depuis la mise en place d'un plan de contrôle de l'Assurance maladie relatif aux traitements de substitution aux opiacés. La part des sujets bénéficiant d'un dosage quotidien moyen de plus de 32 mg/J est ainsi passée de 6 % en 2002 à 1,6 % en 2007, selon une étude récente.

 

6. Conséquences sanitaires

Le nombre de nouveaux cas de sida chez les usagers de drogues par voie intraveineuse (UDVI) est en baisse continue depuis le milieu des années 1990, baisse confirmée pour l'année 2010 avec moins de 5 % chez les UDVI (versus 1/4 des personnes diagnostiquées au milieu des années 1990 et 8 % en 2008).

Il semble que la prévalence de l'infection au VHC fléchisse depuis plusieurs années autant en raison des mesures de santé publique que de l'évolution des pratiques de la plupart des usagers de drogues.

Le nombre de décès par surdose augmente encore en 2009, confirmant l'accroissement observé depuis 2003. Entre 2006 et 2009, l'accroissement du nombre de surdoses semble spécifiquement lié à une augmentation du nombre de décès par surdose à l'héroïne mais aussi à la méthadone. Plusieurs facteurs peuvent être avancés pour expliquer cette évolution : plus grande disponibilité de l'héroïne, baisse du prix de la cocaïne, nouveaux usagers peu sensibilisés à la réduction des risques, augmentation des prescriptions de méthadone.

 

7. Réponse aux problèmes sanitaires liés à l'usage de drogues

En 2009, on assiste à une montée en charge de l'activité du dispositif d'alertes sanitaires liées à la consommation de produits psychoactifs, initié en 2006. Elle se concrétise par le lancement de trois alertes publiques (héroïne et GHB/GBL) par voie de communiqués de presse et par plusieurs communications ciblant uniquement les professionnels et des associations d'usagers.

Au plan des pratiques, la baisse continue entre 1999 et 2008 de l'estimation du nombre de seringues distribuées aux UD suggère une moindre fréquence de l'injection mais ne peut actuellement être interprétée avec certitude.

Par ailleurs, la part des UD ayant pratiqué un test de dépistage continue à croître et on assiste à une diminution du diagnostic tardif de l'hépatite C. Le point important se situe maintenant dans la répétition de ces tests (au moins un par an) et dans l'accroissement de l'accès au traitement.

 

8. Conséquences sociales et réinsertion sociale

Les usagers de drogues pris en charge par le dispositif spécialisé connaissent des situations très difficiles en ce qui concerne leur insertion sociale (emploi, logement, ressources…). Si l'accès au droit commun (prestations sociales, gratuité des soins…) amortit certaines difficultés, leur situation est nettement plus défavorable que celles rencontrées au sein de la population générale.

Les structures spécialisées, au delà de leurs missions de soutien à l'accès au droit commun, développent des programmes et activités innovants en terme d'insertion sociale, encouragées notamment ces dernières années par les orientations inscrites dans le plan national 2008-2011 de la MILDT.

 

9. Criminalité liée à l'usage de drogues, prévention de la criminalité liée à l'usage de drogues et prison

Le cannabis reste la substance à l'origine du plus grand nombre d'interpellations pour infraction à la législation sur les stupéfiants, devant l'héroïne et la cocaïne. Le nombre d'interpellations liées à l'usage simple reste important (plus de 135 000 procédures annuelles) : il représente près de 9 interpellations pour infractions à la législation sur les stupéfiants sur 10. La réponse pénale apportée aux infractions d'usage prend de plus en plus souvent la forme de mesures alternatives aux poursuites ou, dans le cas de poursuites, de peines de substitution ou d'amendes.

Par contraste avec cette relative stabilité dans le nombre et la structure des interpellations, les condamnations judiciaires des usagers de drogues, y compris à des peines d'emprisonnement (avec une partie ferme), connaissent une certaine progression. Le nombre de condamnations pour ILS a plus que doublé entre 1990 et 2009 : dans cet ensemble, ce sont les condamnations pour usage de stupéfiants qui ont le plus progressé, puisque leur nombre a triplé depuis 1990, avec une hausse particulièrement marquée depuis 2004. En 2009, 24 420 condamnations ont été prononcées pour usage simple (soit une augmentation de près de 25 % par rapport à l'année précédente). Les condamnations pour usage de stupéfiants représentent désormais la moitié des condamnations en matière d'ILS contre environ un tiers dans les années 1990 et le début des années 2000. L'absence de données sur l'exécution des peines ne permet toutefois pas d'évaluer la part des peines prononcées qui sont effectivement exécutées.

Dans le domaine de la sécurité routière, les condamnations pour conduite sous l'emprise de stupéfiants ont elles aussi augmenté au cours des dernières années (près de 6 600 en 2008), ce qui représente une hausse de 27 % par rapport à l'année précédente. Parmi celles-ci, environ 40 % ont entraîné une peine de prison (le plus souvent avec sursis), environ 40 % une amende et 16 % une peine de substitution (le plus souvent la confiscation du permis de conduire). Les peines ont tendance à être moins sévères lorsqu'il s'agit de conduite sous l'influence de stupéfiants seuls ou de refus de coopérer : elles sont, en revanche, plus sévères en cas de dommages corporels.

 

10. Marché des drogues

La France étant à la fois une zone de transit et d'usages pour les principales substances illicites produites à l'échelle mondiale, le marché des stupéfiants y est extrêmement dynamique.

La disponibilité de substances comme la cocaïne et l'héroïne y est forte de même que leur accessibilité, favorisée notamment par la reconversion en cours des réseaux importateurs de résine de cannabis en direction du chlorhydrate de cocaïne et de l'héroïne. En outre, la proximité des pays de stockage (Belgique, Pays-Bas, Espagne) de ces deux substances permet un approvisionnement direct, auprès des grossistes installés au-delà des frontières, de centaines de micro-réseaux de deal, animés pour l'essentiel par des usagers-revendeurs, qui assurent ainsi une diffusion en profondeur de la cocaïne et de l'héroïne sur la totalité du territoire français, zones rurales comprises. Le marché des drogues de synthèse a été marqué pour sa part au cours de la majeure partie de l'année 2009 et d'une partie de l'année 2010 par une pénurie importante de MDMA, que ce soit sous sa forme « poudre » ou « comprimé ». S'agissant de cette galénique, les trafiquants ont continué à approvisionner le marché en « ecstasy » et l'année 2010 a vu le retour de comprimés contenant de la MDMA, de nouveau présents sur la scène festive.

Phénomène plus marginal, il semble que depuis 2008 il y a une disponibilité plus grande de la kétamine. Il se confirme un développement de l'usage de kétamine hors des cercles d'initiés du milieu festif alternatif qui en faisaient usage. Il semble que cette substance jouisse d'une image en amélioration liée à une meilleure maîtrise, consécutive à un processus de domestication de l'usage, des effets de ce produit.

 

Résumés des Selected Issues (thèmes spécifiques) :


1 - Politique de santé et services de soins concernant les drogues en prison

Au 1er janvier 2010, on comptait, en France, 61 604 détenus répartis entre 191 établissements pénitentiaires, le chiffre le plus élevé depuis le milieu du XIXème siècle (96,8 détenus pour 100 000 habitants). Cette population comprend environ un quart de prévenus. L'état de surpopulation carcérale (108 détenus pour 100 places, en moyenne) varie considérablement entre les types d'établissements et les ressorts géographiques : il concerne surtout les maisons d'arrêt, établissements les plus nombreux dans le parc pénitentiaire, qui hébergent une majorité de prévenus (en attente d'un jugement définitif), ainsi que des condamnés à de courtes peines.

La population détenue se caractérise par un profil démographique, social et sanitaire très différent de celui de la population générale. Les troubles liés à la santé mentale et aux addictions, notamment, y sont plus élevés qu'en milieu libre : la moitié des détenus présentent des troubles anxio-dépressifs et addictifs. Les détenus sont également plus touchés par les maladies infectieuses : les personnes qui ont connu au moins un épisode d'incarcération au cours de leur vie ont ainsi un taux de prévalence de l'hépatite C presque 10 fois supérieur à celui de la population générale (7,1 % contre 0,8 %). Ces observations font apparaître une contradiction entre les objectifs posés par la loi du 18 janvier 1994 qui affirme le principe d'équivalence des soins entre le milieu fermé et le milieu libre, et la réalité des pratiques de soins en détention, déterminées par les conditions générales de fonctionnement du système carcéral et contraintes par les difficultés d'organisation des soins dans certains établissements.

Cette contribution tente d'articuler les recommandations de politique générale et de pratique clinique élaborées pour le milieu carcéral (tant par l'OMS que par les autorités françaises) à une réflexion sur les difficultés d'organisation des soins dans le contexte pénitentiaire, en soulignant l'importance d'un suivi d'information sur la prise en charge des usagers de drogues en prison.


2 - Déplacements transfrontaliers, usage de drogue et services de soins

La France a 2 970 km de frontières avec six pays européens. Il y a deux grands types de frontières : d'une part, la « frontière creuset », autrement dit une « zone de contact qui associe les territoires situés de part et d'autre dans une communauté de destin et de vie quotidienne » ; d'autre part la « frontière glacis » marquée par une barrière géographique.

Il y a des déplacements transfrontaliers d'usagers de drogues vers les coffee shops hollandais, bien qu'il soit difficile d'en mesurer l'importance. Il y a également des mouvements vers Barcelone (et ses foires commerciales de cannabis). Mais les déplacements transfrontaliers sont avant tout liés aux boîtes de nuit dansantes et à la scène festive. Deux régions sont concernées en France, le sud-ouest et le nord (de Nice vers l'Italie, de Lille vers les boîtes de nuit belges ou vers des événements techno alternatifs, par exemple). La motivation première des migrations transfrontalières du week-end dans le nord et le sud-ouest est la recherche d'un lieu attractif pour faire la fête. Enfin, il y a aussi des déplacements transfrontaliers à l'initiative des usagers de drogues menant généralement des ressortissants français à rechercher une prise en charge dans les pays au nord et à l'est. Il existe en particulier un flux significatif chaque mois de français vers la Belgique pour recevoir un traitement à base de méthadone. D'un autre côté, il existe une coopération entre établissements hospitaliers des deux côtés de la frontière et même une coopération entre associations ou réseaux de professionnels du champ.

L'élément marquant, vu du coté français, reste la dissymétrie importante des « échanges » dans le champ des drogues entre la France et ses voisins : qu'il s'agisse de consommer ou de se procurer des produits, de faire la fête ou de chercher des soins, les déplacements se font essentiellement de la France vers l'étranger.



Télécharger le rapport complet
Télécharger le Selected Issue "Politique de santé et services de soins concernant les drogues en prison"
Télécharger le Selected Issue "Déplacements transfrontaliers, usage de drogue et services de soins"