Adressé à l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA) : principales évolutions du phénomène des drogues et des toxicomanies en France

 

Rapport national à l'OEDT - 2017


Le rapport 2017 est composé de 10 cahiers indépendants (workbooks) : Politique et stratégie nationale, Cadre légal, Usages, Prévention, Prise en charge et offre de soins, Bonnes pratiques*, Conséquences sanitaires et réduction des risques, Marché et criminalité, Prison et Recherche*. Parmi eux, 2 (ceux marqués d'un astérisque) sont disponibles uniquement en anglais.

Politique et stratégie nationale

haut du document

Les grandes orientations stratégiques de la politique française de lutte contre les addictions figurent dans la lettre de mission du 17 octobre 2012. Le gouvernement affirme sa vision pour une démarche globale et la responsabilité de la mise en œuvre des mesures à prendre dans ce domaine est confiée à la présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA). Sous l'autorité du Premier ministre, la MILDECA est chargée d’assurer la coordination et la mise en place de la politique gouvernementale. Le 19 septembre 2013, le plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013-2017 a été adopté lors d’un comité interministériel présidé par le Premier ministre en présence de l’ensemble des ministres concernés. Ce plan prône un approche exhaustive et globale envers l’ensemble des addictions, c’est-à-dire les usages liés aux substances psychoactives, licites ou illicites (stupéfiants, alcool, tabac, médicaments et nouveaux produits de synthèse) et aux autres formes de conduites addictives (jeux d'argent et de hasard, jeux vidéo, dopage). Le plan 2013-2017 repose sur trois grandes priorités :
1. Fonder l’action publique sur l’observation, la recherche et l’évaluation.
2. Prendre en compte les populations les plus exposées pour réduire les risques et les dommages sanitaires et sociaux.
3. Renforcer la sécurité, la tranquillité et la santé publiques au niveau national et international en luttant contre les trafics et contre toutes les formes de délinquance liées aux consommations de substances psychoactives.

Quatre mesures « phare » du plan 2013-2017 ont été sélectionnées pour l’évaluation externe. La première action évaluée (« Etudiants relais santé ») s’est déroulée en milieu universitaire, et a porté sur l’intervention des étudiants sélectionnés et formés par les services de médecine préventive pour faire de la prévention auprès de ses pairs. Les principales conclusions de l’évaluation portent sur la nécessité d’améliorer la coordination du réseau addictologie au niveau territorial, qui est perçu par les acteurs de la promotion de la prévention en milieu universitaire, comme étant fragmenté et peu coordonné.
La deuxième expérimentation évaluée (« Argent facile ») s’est déroulée auprès des habitants des quartiers sud de Marseille (mères de familles, professionnels, jeunes en insertion et pré-adolescents) et des acteurs locaux (mairie, police, associations de prévention impliquées, etc.). Certaines difficultés de mise en œuvre ont été identifiées en lien avec la jeunesse du dispositif, la complexité de la mission de prévention du trafic et aux divergences de cultures entre les populations impliquées.
Plus récemment, deux autres initiatives ont fait l’objet d’une évaluation : d’abord, le nouveau partenariat entre la MILDECA et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), mis en place afin de relayer la principale campagne de communication « grand public », inscrite dans le Plan 2013-2017. Puis, deux programmes d’intervention régionaux visant à prévenir et prendre en charge précocement le syndrome d’alcoolisation fœtal, l’un qui s’est déroulé en France métropolitaine et l’autre dans les DOM-TOM.

Un tableau de bord d’indicateurs clés des objectifs du Plan a été mis en place par l’OFDT.

Les orientations de politique publique dans le champ des drogues et des addictions sont fixées par le Comité interministériel de lutte contre les drogues et les conduites addictives, sous l'autorité du Premier ministre. Il est composé de ministres et secrétaires d'État. En amont, la MILDECA est chargée de préparer les décisions du Comité interministériel, puis, de coordonner la politique gouvernementale française en matière de lutte contre les drogues et de prévention des comportements addictifs et de veiller à ce que les décisions du Comité interministériel soient mise en œuvre. Sous l'autorité du Premier ministre, son périmètre d’action comprend la prévention, le traitement, la réduction des risques, l'insertion, le trafic, l'application de la loi et la recherche, l'observation et la formation de ceux impliqués dans les activités de réduction de l'offre ou de la demande. En 2013, la MILDECA a élaboré le Plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives actuellement en cours de mise en œuvre. Couvrant le territoire français, un réseau d'une centaine de représentants territoriaux (chefs de projet) assure la cohérence entre les actions de réduction de l’offre et celles de réduction de la demande. Dix-huit d'entre eux sont responsables de la coordination au niveau régional dont treize en métropole.

S’agissant des faits marquants les plus récents en matière d’évolution des politiques publiques, on soulignera que l’année 2017 a connu une forte actualité électorale avec en particulier les élections présidentielles en avril-mai. La campagne électorale a marqué un tournant dans la position de la plupart des candidats des partis majoritaires sur le statut du cannabis. Seule la représentante du Front National (parti d’extrême droite) a prôné le statu quo, les quatre autres principaux postulants à la présidence de la République proposant de réviser la loi de 1970 sur la consommation de stupéfiant, après avoir tiré le constat de l’inefficacité du cadre légal actuellement en vigueur en France pour lutter contre le cannabis.

En matière des débats publics, un fait majeur à souligner a été l’organisation de la première Audition publique sur la réduction des risques et des dommages (RdRD) qui a réuni les principaux acteurs du champ à la fin du printemps 2016. La présentation des données scientifiques par les spécialistes et les chercheurs du champ et les débats ont donné lieu à un rapport d’orientation et de recommandations qui propose quinze propositions d’action concrètes. Elles réaffirment les orientations en matière de réduction des risques et des dommages inscrites de la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 ainsi que les autres mesures prévues par le Plan gouvernemental 2013-2017.

Le coût social des drogues en France a été estimé par trois fois, en 1996, 2003 et en 2010 (Kopp 2015; Kopp and Fenoglio 2004; Kopp and Fenoglio 2006). La dernière estimation du coût social des drogues a été publiée par l'OFDT en septembre 2015 : ainsi, pour l’année 2010, ce coût s’élèverait à 8,7 milliards d’euros pour les drogues illicites, loin après du montant estimé pour l’alcool (118 milliards) et pour le tabac (122 milliards).

En 2015, le total des dépenses liées aux drogues est estimé à 1,83 milliard d'euros. La contribution de l’État et de l’Assurance maladie représente 0,05 % du produit intérieur brut (PIB), avec 51 % du total pour les initiatives de réduction de la demande, 48 % pour les activités de réduction de l'offre et 1 % des ressources allouées aux activités transversales (recherche, formation, observation, évaluation, coordination et coopération internationale).

Télécharger le workbook 1.1 : Politique et stratégie nationale


Cadre légal

haut du document

En France, l'usage illicite de toute substance ou plante classée comme stupéfiant est un délit passible de peines allant jusqu’à un an d’emprisonnement et une amende de 3 750 euros (article L.3421-1 du Code de la santé publique - CSP). Les peines encourues peuvent aller jusqu’à cinq ans de prison et une amende de 75 000 € lorsque l'infraction est commise par une autorité publique, une personne chargée d’une mission de service public ou par le personnel d'une entreprise exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport. Les personnes coupables de ce délit encourent également, à titre de peine complémentaire, l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1 du Code pénal.

En dehors des peines prononcées par les tribunaux conformément à l’article L.3421-1 du CSP, un stage de sensibilisation peut être aussi proposé par les procureurs de la République au titre d’une mesure alternative aux poursuites ou d’une procédure simplifiée (composition pénale, ordonnance pénale délictuelle). Dans ce cadre, cette mesure s’adresse tout particulièrement aux usagers occasionnels de stupéfiants qui ne semblent pas présenter de problèmes de santé ou d’insertion sociale. Le stage est applicable à tous les individus de plus de 13 ans. Lorsque les circonstances font apparaître que le mis en cause nécessite des soins, l'autorité judiciaire peut l’enjoindre de se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique (article L.3413-1 du CSP). L'action publique n'est pas exercée lorsqu'il est établi que cette personne s’est soumise, depuis les faits qui lui sont reprochés, à l’injonction thérapeutique (article L.3423-1 du CSP).

Le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi illicites et le fait de faciliter l’usage illicite de stupéfiants sont punis de dix ans maximum d’emprisonnement et de 7,5 millions d’euros d’amende (article L.222-37 du Code pénal). La cession ou l'offre illicite de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende mais la peine d'emprisonnement est portée à dix ans lorsque les stupéfiants sont offerts ou cédés à des mineurs, dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux (article L.222-39 du Code pénal). Les peines maximales pour trafic peuvent aller jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité et une amende de 7,5 millions d'euros (article L.222-34 du Code pénal). La loi française ne fait pas de distinction entre la détention pour usage personnel ou pour trafic, ni selon le produit stupéfiant.

Le cadre de la politique française de lutte contre l’usage et le trafic de stupéfiants figure dans le Code pénal (trafic, détention…) et le Code de la santé publique (notamment les dispositions relatives à l’usage illicite). Les orientations de la politique pénale sont définies par les circulaires des gardes de Sceaux vers une systématisation de la réponse des autorités judiciaires. Ainsi, durant les années 2000, le nombre de procédures pour usage simple a très fortement augmenté ; la réponse qui y a été apportée se caractérise par un recours croissant à la fois aux mesures alternatives aux poursuites et aux condamnations judiciaires.

S’agissant des évolutions législatives récentes, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté en début d’année la loi de modernisation de notre système de santé. Cette loi affiche un triple objectif : favoriser la prévention, faciliter l’accès aux soins et consolider le système de santé. Outre les mesures concernant l’alcool et le tabac, deux dispositions majeures dans le champ des addictions sont à signaler : l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque (SCMR) pour une durée maximale de six ans et l’extension de la pratique des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) aux personnels de structures de prévention ou associatives ayant reçu une formation adaptée.

Il n’existe pas de loi spécifique destinée au contrôle des nouveaux produits de synthèse (NPS). La logique de classement d’un NPS sur la liste des stupéfiants est de type individuel (chaque substance interdite est nommée dans la liste) ainsi que générique : elle « part d’une structure moléculaire de base (pas nécessairement psychoactive) et spécifie les variantes qui seront concernées par l’interdiction » (Martinez 2013).

Télécharger le workbook 1.2 : Cadre légal


Usages de substances illicites en populations générale et spécifiques

haut du document

Usage des principales drogues illicites et polyconsommation

Selon les dernières données disponibles datant de 2016, le cannabis reste de très loin la substance illicite la plus consommée, aussi bien chez les adolescents qu’en population adulte, avec 17 millions de personnes à l’avoir déjà essayé (42 % des individus âgés de 18 à 64 ans). En 2014 (dernières données disponibles), la proportion d’usagers récents (dans le mois) atteint globalement 6,3 % et l’usage régulier (au moins 10 fois par mois) 3,1 %.

Parmi les usagers dans l’année de 18 à 64 ans, selon l’enquête Baromètre santé 2014 de Santé publique France1, la proportion de ceux qui présentent un risque élevé d’usage problématique de cannabis (au sens du Cannabis Abuse Screening Test, CAST) est de 21 %, soit 2,2 % de la population française âgée de 18 à 64 ans. C’est d’ailleurs le produit le plus souvent mentionné comme posant problème parmi les personnes reçues dans les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). Concernant les cannabinoïdes de synthèse, 1,7 % des 18-64 ans déclarent en avoir déjà consommé, un niveau d’usage similaire à celui de l’héroïne ou des amphétamines.

Le cannabis apparaît comme le produit illicite le plus consommé entre 11 et 16 ans et surtout parmi les garçons. En termes d’expérimentation, l’usage du cannabis est très rare à 11 ans, il concerne 5,6 % des 13 ans et 28,3 % des 15 ans (données de l'enquête HBSC 2014), des proportions stables par rapport à 2010. D'après les données de la dernière enquête ESPAD, en 2015, 32 % des élèves âgés de 16 ans ont expérimenté le cannabis au moins une fois au cours de leur vie (29 % des filles et 24 % des garçons), un niveau en baisse par rapport à la précédente enquête ESPAD de 2011 (39 %).

Les usages de cannabis ont augmenté entre 2010 et 2014 et se sont depuis maintenus à un niveau élevé, quelle que soit la tranche d’âge et la fréquence d’usage : cette hausse s’inscrit dans un contexte de net accroissement de l’offre de cannabis en France et notamment de développement de la pratique de l’autoculture et de la production locale d’herbe, tandis que le marché de la résine reste pour sa part très dynamique (voir workbook Marché et criminalité).

La consommation de cocaïne, deuxième produit illicite le plus consommé, se situe bien en deçà et concerne environ dix fois moins de personnes, que ce soit en termes d’expérimentation ou d’usage dans l’année. Toutefois, la part des 18-64 ans ayant expérimenté la cocaïne a été multipliée par quatre en deux décennies (de 1,2 % en 1995 à 5,6 % en 2014), tout comme la proportion d’usagers dans l’année entre 2000 (0,3 %) et 2014 (1,1 %), marquant la diffusion plus large d’un produit autrefois cantonné à des catégories aisées et touchant depuis quelques années l’ensemble des strates de la société. Les niveaux d’expérimentation pour les substances synthétiques telles que la MDMA/ecstasy et les amphétamines sont respectivement de 4,3 % et de 2,3 %. La proportion d’usagers actuels de MDMA/ecstasy a augmenté de manière significative entre 2010 et 2014 (de 0,3 % à 0,9 %) et atteint ainsi son niveau maximal depuis une décennie. Chez les 18-25 ans l’usage de ce produit devance celui de la cocaïne.

Enfin, la prévalence de l’expérimentation de l’héroïne est de 1,5 % pour l’ensemble des 18-64 ans et l’usage actuel apparaît très rare2 (0,2 % des personnes interrogées).

La dernière enquête ENa-CAARUD menée fin 2015 dans les Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques chez les usagers de drogues (CAARUDs) a permis de valider les observations qualitatives du dispositif TREND concernant l’évolution des consommations de cette population d’usagers problématiques, en l’occurrence un report des consommations des usagers les plus précaires vers les produits les moins chers, les médicaments et le crack lorsqu’il est disponible (Cadet-Taïrou et al. 2014; Lermenier-Jeannet et al. 2017).
Dans l’ensemble, la structure des consommations au cours des 30 derniers jours avant l’enquête n’a pas connu de modification importante. Néanmoins, certaines évolutions sont observables depuis 2008. Concernant les opiacés, conformément aux observations qualitatives, l’usage de buprénorphine haut dosage (BHD) diminue de façon régulière (depuis 2010) (40 % vs 35 %), au profit de la méthadone (24 % en 2008 vs 34 % en 2015), davantage prescrite, et du sulfate de morphine, le plus souvent détourné (15 % en 2010, 19 % en 2015). Les consommations de substances codéinées s’élèvent très progressivement depuis 2010, date où elles ont été mesurées pour la première fois (5 % vs 10 %), alors que le niveau d’usage des autres médicaments opioïdes (fentanyl par exemple), interrogé pour la première fois s’élève à 8 %.

Concernant les stimulants, la part des usagers des CAARUD ayant consommé de la cocaïne basée (crack ou free base) poursuit sa progression continue (22 % en 2008, 32 % en 2015). Seuls 5 % des usagers ont consommé du méthylphénidate détourné, mais cette situation est très concentrée géographiquement. On n’observe pas d’évolution concernant les hallucinogènes consommés seulement par un sous-groupe de cette population (15 %).

Par contre, l’usage des benzodiazépines connaît une hausse brutale entre 2012 et 2015 (30,5 % vs 40 %).

Usage de drogues illicites, d’alcool, de tabac et de médicaments

Dans le Baromètre santé de Santé publique France (population adulte) comme dans l’enquête ESCAPAD de l’OFDT (jeunes de 17 ans), la polyconsommation est abordée par le biais de la consommation régulière (au moins 10 usages dans le mois, et tabac quotidien) d’au moins deux des trois produits parmi l’alcool, le tabac et le cannabis, sans qu’il soit possible d’établir s’il s’agit d’usages concomitants. En 2014, une telle pratique demeure peu courante puisqu’elle ne concerne que 9,0 % de la population adulte. Elle atteint son niveau maximal parmi les 18-25 ans, qui sont une des tranches d’âges les plus consommatrices de tabac et de cannabis (13,2 %). La polyconsommation régulière des trois produits est rare, puisqu’elle concerne 1,8 % des hommes et 0,3 % des femmes âgés de 18-64 ans.
En 2014, la polyconsommation régulière d’alcool, de tabac ou de cannabis concerne 12,8 % des adolescents de 17 ans. Le cumul des usages réguliers de tabac et de cannabis est le plus répandu (5,0 %), devançant de peu celui des usages réguliers de tabac et d’alcool (4,5 %). Le cumul des usages réguliers des trois produits concerne pour sa part 3,0 % des jeunes de 17 ans.
Entre 2011 et 2014, la polyconsommation régulière a progressé de 3 points. Cette concentration des usages réguliers s’est nettement accentuée chez les jeunes filles, dont la polyconsommation a quasiment augmenté de moitié par rapport à 2011, en passant de 5,8 % à 8,4 %.
Concernant le public reçu dans les consultations jeunes consommateurs (CJC), les consultants venus au titre du cannabis sont aussi consommateurs de tabac (87 % de fumeurs quotidiens) et sujets à une alcoolisation fréquente, voire massive. Ainsi, un consultant sur cinq déclare souvent consommer de l’alcool en vue de parvenir à l’ivresse, surtout parmi les jeunes majeurs (19 % des mineurs, 26 % des 18-25 ans, 16 % des plus de 25 ans). Environ 10 % de ces « consultants cannabis » sont des buveurs réguliers et près d’un quart (22 %) déclare au moins trois alcoolisations ponctuelles importantes (API) dans le dernier mois.

Les consommations d’alcool apparaissent également majoritaires : si 69 % des usagers des CAARUD rapportent avoir consommé de l’alcool au cours du dernier mois, 33 %, soit près de la moitié des usagers récents d’alcool, déclarent avoir consommé l’équivalent d’au moins 6 verres en une seule occasion, tous les jours ou presque au cours de la dernière année (Lermenier-Jeannet et al. 2017).

Télécharger le Workbook 2 : Usages de substances illicites en populations générale et spécifiques


Prévention

haut du document

En France, la prévention des usages de drogues et dépendances s’inscrit dans la politique de prévention des conduites addictives, laquelle se rapporte aux substances psychoactives licites et illicites (alcool, tabac et médicaments psychotropes) mais également à d’autres formes d’addiction (liées aux jeux d’argent et de hasard, aux jeux vidéo, au dopage). Cette stratégie est une responsabilité de l’État, coordonnée au niveau central par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) et mise en œuvre à l’échelle locale par des services déconcentrés. Les objectifs généraux de la prévention des conduites addictives consistent non seulement à empêcher, sinon retarder le début de l’usage, mais aussi à diminuer les pratiques addictives ainsi que les abus et risques associés.
Les chefs de projet « drogues et dépendances » (ou chefs de projet de la MILDECA) coordonnent la mise en œuvre des priorités nationales de prévention en régions, en départements voire dans certaines métropoles. Ils affectent aux activités de prévention des crédits provenant d’un fonds alimenté par les biens confisqués dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants : le fonds de concours pour la lutte anti-drogue. Les Agences régionales de santé (ARS), le fonds spécial du de l’assurance maladie et, surtout depuis quelques années, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) constituent d’autres source de financement de la prévention.
Au plan local, les activités de prévention à « l’école » sont mises en œuvre par un éventail de professionnels. Dans le cadre du parcours éducatif de santé pour tous les élèves, les professionnels de la communauté scolaire sont impliqués aussi bien dans l’élaboration, que la planification et la mise en œuvre des activités. Dans de nombreux cas, des intervenants externes (personnels d’associations spécialisées, gendarmes ou policiers formateurs) sont sollicités pour s’adresser aux élèves. La prévention scolaire vise principalement à développer les compétences individuelles et sociales des élèves en vue de résister à la consommation et à l’offre de drogues.

Interventions de prévention : La prévention universelle et prévention indiquée sont des piliers des politiques publiques en France. La première se déroule essentiellement dans l’enseignement secondaire, alors que la seconde repose principalement sur les consultations jeunes consommateurs (CJC). À travers la France, 550 points de consultation offrent des « interventions précoces » aux jeunes usagers et à leurs familles. Toutefois, au cours des dernières années, c’est à l’égard des publics prioritaires, tels que les femmes usagères, les jeunes issus de zones urbaines défavorisées et les jeunes en contact avec le système judiciaire que les réponses de prévention ont été renforcées. D’importants efforts ont aussi été réalisés afin de développer des mesures de prévention collectives en milieu professionnel (lesquelles relèvent principalement des médecins du travail). Les stratégies environnementales visant à réduire la consommation d’alcool et de tabac sont bien établies et bénéficient d’un fort soutien politique. Des campagnes médiatiques nationales de prévention contre l’alcool, le tabac ou les drogues illicites sont régulièrement diffusées.

Tendances et assurance qualité : Depuis le début de cette décennie, les professionnels et les décideurs montrent un intérêt croissant quant à la qualité des services et programmes de prévention offerts et les moyens de l’améliorer. La création de la Commission interministérielle de prévention des conduites addictives (CIPCA), en 2014, est le reflet de cette volonté. Cependant, si les parties prenantes de la prévention sont encouragées à consulter les recommandations en matière de prévention des dépendances à l’école et dans d’autres milieux, elles ne sont soumises à aucune obligation.
L’ensemble d’outils ASPIRE (appréciation et sélection de programmes de prévention issus de la revue des standards de qualité « EDPQS ») a été adapté à partir de la documentation relative aux standards EDPQS afin de promouvoir la qualité de la prévention. Il sera mis à l’essai par un chef de projet de la MILDECA dans quatre régions.

Nouveaux développements : Bien qu’il n’y ait guère de nouveaux développements majeurs à survenus dans la période écoulée entre juin 2015 et juin 2016, ce rapport présente plusieurs nouveautés intéressantes. Cela étant, il convient de signaler que la France ne dispose pas d’un système d’observation des programmes de prévention mis en œuvre au plan local. Par conséquent, les informations relatives à la portée et à la couverture des activités de prévention restent incomplètes.

Télécharger le Workbook 3.1 : Prevention


Prise en charge et offre de soins

haut du document

Deux dispositifs permettent de dispenser des traitements aux usagers de drogues illicites : le dispositif spécialisé de traitement des addictions (au sein d’établissements médico-sociaux) et le dispositif généraliste (hôpitaux et médecins généralistes). Environ 132 000 personnes ont été prises en charge dans les CSAPA ambulatoires en 2014 pour un problème avec des drogues illicites ou des médicaments psychotropes détournés de leur usage. La prescription des traitement de substitution aux opiacés (TSO) se fait principalement en médecine de ville par les médecins généralistes et leur dispensation a lieu le plus souvent en pharmacie d’officine. En 2016, 151 500 personnes ont reçu un traitement de substitution aux opiacés délivré en officine de ville et 22 900 patients ont eu une dispensation en CSAPA. Sur le plan de l’offre de traitement en ambulatoire, les pouvoirs publics ont développé une prise en charge spécifique aux jeunes usagers par la création des consultations jeunes consommateurs (CJC) en 2004. Il existe à l’heure actuelle environ 540 points de consultation ouverts. Bien qu’il n’existe pas de « programmes » nationaux à destination d’autres groupes cibles, certains CSAPA se sont spécialisés dans une prise en charge adaptée à tel ou tel public (femmes avec enfants, personnes ayant commis une infraction, etc.).

Parmi les personnes prises en charge pour la première fois de leur vie dans le dispositif spécialisé de traitement des addictions, la part des usagers de cannabis tend à augmenter alors que celle des usagers d’opiacés est en baisse. Cette population, dont l’âge moyen a atteint 27 ans en 2015, comprend près de 75 % d’usagers de cannabis et 15 % d’usagers d’opiacés.

En ce qui concerne l’ensemble des usagers entrant en traitement, la répartition suivant les produits apparaît assez stable jusqu’en 2010, avec une légère tendance à la baisse du pourcentage d’usagers de cannabis. La part de ces usagers augmente cependant ensuite fortement et s’établit à 60 % en 2015. L’évolution de la part des usagers d’opiacés est à peu près symétrique à celle des usagers de cannabis.

Par ailleurs, depuis 2013, le nombre de bénéficiaires d’un TSO est stable, après n’avoir cessé d’augmenter depuis l’introduction de ce type de traitement. Le nombre de personnes traitées avec la Buprénorphine haut dosage (BHD) baisse légèrement sur cette période, au profit des patients traités par méthadone, de manière concordante avec les données de ventes de ces médicaments de substitution aux opiacés.

La proportion de nouveaux patients pris en charge pour un problème de cannabis est importante (62 %) et a continué de progresser entre 2015 et 2016, à l’inverse de la part des usagers d’opiacés. Les évolutions en 2016 se situent dans le prolongement des tendances amorcées en 2010-2011.

En 2016, 151 500 personnes ont reçu un traitement de substitution aux opiacés délivré en officine de ville : 95 500 personnes ont eu des délivrances de BHD en pharmacie d’officine (Subutex® ou génériques), 56 000 des délivrances de méthadone et 7 500 des délivrances de BHD en association avec la naloxone (Suboxone®).
De plus, 22 900 patients ont eu une dispensation de médicaments de substitution aux opiacés (MSO) en CSAPA (19 200 de méthadone et 3 700 de BHD) en 2014.

Télécharger le Workbook 3.2 : Prise en charge et offre de soins


Bonnes pratiques

haut du document

Télécharger le Workbook 3.3 : Best practice (en anglais uniquement)


Conséquences sanitaires et réduction des risques

haut du document

Le nombre de décès par surdose en 2014 est de 241 chez les 15-49 ans (370 au total) selon le registre général de mortalité (dont le délai de disponibilité des données est de 2 ans). D’après le registre spécifique des décès par surdose (dispositif DRAMES), les médicaments de substitution aux opiacés sont en cause dans 41 % des cas en 2015 et l’héroïne dans 30 %. L’enquête de cohorte mortalité a inclus 1 134 individus, parmi lesquels 955 (soit 84 %) dont le statut vital a été retrouvé en décembre 2015. Pour les hommes, le ratio standardisé de mortalité est de 5,6 ; pour les femmes, il est nettement plus élevé (18,5).

Le nombre de décès par surdose dans le registre général de mortalité est stable chez les 15-49 ans en 2014, par rapport à 2013, après trois années de baisse. Cependant, les fluctuations observées depuis 2011 sont à interpréter avec prudence en raison de changements méthodologiques. Entre 2010 et 2015, les médicaments de substitution aux opiacés sont les principales substances impliquées dans les décès par surdose, devant l’héroïne.

Près de 10 000 passages aux urgences en lien avec l’usage de drogues ont été dénombrés en 2015 en France (réseau Oscour®). Un quart de ces passages sont en lien avec l’usage de cannabis, un autre quart avec la consommation d’opiacés, la cocaïne est en cause dans 7 % des cas, les autre stimulants dans 4 % des cas, les hallucinogènes dans 5 % des cas et enfin les substances en cause sont multiples ou non précisées dans 35 % des cas.

En 2015, la contamination par usage de drogues par voie injectable représente seulement 1,5 % des découvertes de séropositivité au VIH. Le nombre de découvertes de séropositivité VIH liés à l'usage de drogues est stable de 2008 à 2015 après une baisse régulière de 2003 (date de début du suivi de cet indicateur) à 2008. Le nombre de nouveaux cas de sida liés à l’usage de drogues est stable en 2014 après une baisse régulière de 2003 à 2013.

Par ailleurs, entre 2012 et 2015, les prévalences déclarées tant pour le VIH que le VHC sont stables, aussi bien en CAARUD qu’en CSAPA. Cette stabilité marque un arrêt de la baisse de la prévalence du VHC parmi les usagers de drogues par voie injectable (UDI) observée depuis le début des années 2000. Les dernières données de prévalence biologique remontent à 2011. La prévalence biologique du VIH parmi les usagers de drogues ayant injecté au moins une fois au cours de leur vie était alors égale à 13,3 %, la prévalence biologique du VHC dans cette population est de 63,8 %. La séroprévalence de l’AgHBs qui signe une infection chronique par le virus de l’hépatite B est de 2,1 % parmi les hommes usagers de drogues enquêtés à Paris durant la période 2011-2013.

La politique de réduction des risques et des dommages (RDRD) s’adresse à des publics vulnérables dont les pratiques d’usage de substances les exposent à des risques majeurs. Elle s’appuie notamment sur la distribution de matériel stérile à usage unique (seringues, pipes à crack, matériel de sniff, kits d’injection et d’inhalation…) et la diffusion des traitements de substitution aux opiacés. La prévention des pathologies infectieuses repose aussi sur l’incitation au dépistage du VIH et des hépatites B et C ainsi que la vaccination contre le VHB. Une autre finalité majeure de la politique de RDRD est de favoriser l’accès des usagers de drogues aux droits sociaux (logement, formation, emploi…), notamment pour les plus démunis et désocialisés.

Approximativement, 11,3 millions de seringues ont été distribuées ou vendues aux usagers de drogues en France en 2016, chiffre en très légère hausse par rapport à 2008. Les ventes de seringues en pharmacie sous forme de kits d’injection, qui représentent un tiers des seringues distribuées aux usagers de drogues en 2016, ont diminué d’un quart en 5 ans, compensées par la hausse de la distribution en CAARUD, en CSAPA, par les automates et par le programme postal d’échange de seringues.

En France, le niveau de couverture dans la distribution de seringue est au-dessous du seuil défini par l’EMCDDA : la couverture est considérée comme « bonne » à partir de 200 seringues par injecteur et par an. D’après les dernières estimations environ 110 seringues ont été distribuées par injecteur en 2016 en France.

L’expérimentation des salles de consommation à moindre risque (SCMR), inscrite dans la loi de modernisation du système de santé, a débuté à l’automne 2016 à Paris et à Strasbourg.

Des actualisations des recommandations sur la prise en charge des personnes infectées par le VHC ainsi que sur la stratégie de dépistage de l’infection par le VIH incitent à poursuivre et renforcer les actions entreprises dans ce sens en particulier parmi les usagers de drogues injecteurs. En 2014 et 2015, 22 600 patients atteints d’hépatite C chronique ont ainsi été traités par les antiviraux d’action directe. Depuis juin 2016, le traitement de l’hépatite C par les antiviraux d’action directe est pris en charge par l’Assurance maladie à 100 % pour les usagers de drogues qui échangent du matériel (quel que soit leur stade de fibrose).

Concernant la mise en place d’un programme de distribution de la naloxone (antidote aux surdoses opiacées) en France, une spécialité de naloxone par voie nasale a obtenu une autorisation temporaire d’utilisation de cohorte en novembre 2015. Elle est disponible depuis juillet 2016. Les usagers prioritaires sont les personnes détenues à leur sortie de prison ainsi que celles ayant suivi un sevrage des opiacés. Depuis mai 2017, la dispensation des kits de naloxone est aussi autorisée en CAARUD, alors qu’elle était auparavant limitée aux pharmacies hospitalières et CSAPA hospitaliers. La spécialité Nalscue® a obtenu une autorisation de mise sur le marché en juillet 2017.

Un volet médical complémentaire au certificat de décès a été créé en avril 2017. Il est destiné à renseigner les causes du décès lorsqu’elles sont connues plusieurs jours après le décès, comme dans le cas des décès par surdose ayant donné lieu à des investigations médico-légales.

Télécharger le Workbook 3.4 : Conséquences sanitaires et réduction des risques


Marché et criminalité

haut du document

L’herbe de cannabis est la seule substance illicite dont on observe la production en France. Alors que la culture d’herbe était majoritairement le fait de petits cultivateurs autosuffisants, la situation a commencé à changer, à partir de 2011, avec l’apparition de cannabis factories tenues par le crime organisé et l’investissement de particuliers dans la culture commerciale.

La France, compte tenu de sa position géographique au cœur de l’Europe occidentale, est une zone de transit pour les principales substances illicites (cannabis, cocaïne, héroïne, drogues de synthèse) produites dans le monde. Elle l’est aussi par ses départements d’outre-mer situés sur le continent américain (Guadeloupe, Martinique et Guyane) à proximité des grandes zones de production et de transit de la cocaïne (Colombie, Venezuela).

La résine de cannabis consommée en France provient du Maroc, le plus souvent via l’Espagne tandis que l'herbe de cannabis provient principalement d’Espagne, des Pays-Bas et de Belgique. De nouvelles routes de trafic émergent, par l'intermédiaire de la Libye pour la résine de cannabis et de l'Albanie pour l'herbe de cannabis.

La cocaïne consommée en France provient essentiellement de Colombie. Elle transite essentiellement au sud par l’Espagne et au nord par les Pays-Bas (Rotterdam) et la Belgique (Anvers). Depuis quelques années la cocaïne, transitant par le Vénézuela, puis les Antillles françaises, pénètre sur le continent européen par le port du Havre. Depuis deux ans, le trafic de « mules » empruntant la voie aérienne entre la Guyane et la métropole est aussi en forte augmentation.

L’héroïne consommée en France provient majoritairement d’Afghanistan (héroïne brune) et transite via la route des Balkans (Turquie, Grèce, Albanie). Les Pays-Bas, devant la Belgique, sont la plate-forme principale où les trafiquants français s’approvisionnent.

Les drogues de synthèse (MDMA/ecstasy, amphétamines) consommées en France proviennent également principalement des Pays-Bas.

En 2016, le nombre total de personnes mises en cause pour usage de stupéfiants en France est d’environ 160 000. En dehors de ces infractions pour usage (83 % de l’ensemble), les services de la police et de la gendarmerie ont mis en cause 16 487 personnes pour usage-revente et 13 515 pour trafic-revente sans usage de stupéfiants. En 2010, 90 % des interpellations concernaient l’usage simple de cannabis, 5 % celui d’héroïne et 3 % celui de cocaïne.

Le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017 (MILDT 2013), et sa déclinaison dans le Plan d’actions 2016-2017 (MILDECA 2016), comprend un axe relatif à l’intensification de la lutte contre le trafic, avec les objectifs principaux suivants : Agir en amont des trafics : notamment en renforçant la coopération internationale et les capacités de contrôle, et en mutualisant les renseignements ; en renforçant la lutte contre le blanchiment des capitaux illicites et l’approche patrimoniale des enquêtes judiciaires ; en intensifiant la lutte contre la cannabiculture ; en accroissant la surveillance de l’utilisation du vecteur Internet et la lutte contre l’offre de produits illicites en ligne; en coupant les routes du trafic international de cannabis et de cocaïne en Méditerranée et dans la mer des Antilles.

Télécharger le Workbook 4 : Marché et criminalité


Prison

haut du document

Au 1er janvier 2016 la France comptait 187 établissements pénitentiaires comprenant 58 561 places de détention « opérationnelles ». Avec 66 678 détenus, la France présente une densité carcérale d’environ 114 détenus pour 100 places. Les études menées il y a une dizaine d’années montraient qu’un tiers des nouveaux détenus déclaraient une consommation prolongée et régulière de drogues illicites au cours des douze mois précédant l’entrée en prison. Environ 11 % des détenus déclarant une utilisation régulière de drogues illicites consommaient plusieurs produits avant l’incarcération. La dépendance concernait 10 % des personnes détenues, mais le nombre global d’usagers problématiques de drogues (PDU) n’est pas chiffré en France. La pratique de l’injection apparaissait importante chez les entrants en prison : au cours de l’année précédant l’incarcération, 2,6 % d’entre eux étaient concernés en 2003. Peu d’études fournissent des données sur la consommation intra-carcérale. Les seules enquêtes récentes sur le sujet ne fournissent que des données préliminaires. Les personnes détenues sont plus touchées par les maladies infectieuses que la population générale : bien qu’en recul, les prévalences d'infection du VIH varient selon les sources, entre 0,6 % et 2,0 % (3 à 4 fois plus qu’en population générale), tandis que celles du VHC se situent entre 4,2 % et 6,9 % (4 à 5 fois plus).

Depuis 1994, le ministère de la Santé est responsable de la santé en prison. La prise en charge des addictions en milieu carcéral repose sur un système triple : les unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA – devenues unités sanitaires en milieu pénitentiaire : USMP) chargées de la santé somatique des personnes détenues ; les SMPR (services médico-psychologiques régionaux), implantés dans chacune des régions françaises, prennent en charge les toxicomanes du point de vue de la santé mentale dans les établissements où il n’y a pas de centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) pénitentiaire ; enfin, des CSAPA en milieu pénitentiaire interviennent dans les 16 plus gros établissements de France (couvrant environ un quart de la population incarcérée). Par ailleurs, un CSAPA référent est désigné pour chaque établissement pénitentiaire afin de permettre un accompagnement des personnes détenues ayant des problèmes d’addiction, particulièrement à leur sortie de prison.

Pour garantir l’application des mesures de réduction des risques, deux principaux outils de prévention des maladies infectieuses sont mis en œuvre au sein des établissements pénitentiaires depuis 1996. Tout d’abord une personne détenue suivant un traitement de substitution aux opiacés (TSO) doit pouvoir non seulement continuer son traitement en prison mais aussi initier un traitement si elle le souhaite. En complément de la substitution, les établissements pénitentiaires proposent des outils de prévention et de décontamination pour lutter contre le VIH et les hépatites.

Depuis 2009, différents textes proposent d’intensifier les mesures de réduction des risques en prison. Les principaux axes d’amélioration concernent le renforcement de la couverture et du rôle des CSAPA référents, la systématisation des tests de dépistage, et l’accès généralisé à l’ensemble des mesures de réduction des risques existantes, y compris les programmes d’échange de seringues. La loi de modernisation de santé de 2016 réaffirme ces ambitions. Son décret d’application est attendu pour fin 2017, début 2018.

Le rapport sur l’évaluation des politiques interministérielles d’insertion des personnes confiées à l’administration pénitentiaire par l’autorité judiciaire paru en juillet 2016 émet un certain nombre de préconisations concernant la réinsertion des détenus présentant des conduites addictives :
- la multiplication des programmes alternatifs à la détention en cas de commission de délits liés aux addictions sur le modèle du dispositif de Bobigny.
- le développement des unités thérapeutiques en détention dédiées à la lutte contre les addictions à l’instar des programmes existants à l’étranger, sur le modèle de l’unité de réhabilitation pour usagers de drogues (URUD), mise en œuvre à titre expérimental dans un établissement pour peine, dont l’OFDT est en charge de l’évaluation.
- la systématisation d’un programme de traitement et de suivi à l’issue de la période de détention pour toute personne souffrant d’addictions.

Télécharger le Workbook 5.1 : Prison


Recherche

haut du document

Télécharger le Workbook 5.2 : Research (en anglais uniquement)