3 minutes sur la différence entre la légalisation et la dépénalisation

Ivana Obradovic, directrice adjointe de l'OFDT, apporte un éclairage sur ces deux termes, souvent source de confusion dans le débat public.

Durée 4:08

Qu’est-ce que la dépénalisation ?

Il y a souvent une confusion dans le débat public entre légalisation et dépénalisation (ou « décriminalisation » en anglais). Dépénaliser, c’est alléger, voire même supprimer, les sanctions pénales appliquées à un comportement considéré comme un délit à un temps T. L’objectif premier d’une dépénalisation, c’est de décharger les tribunaux d’une masse d’affaires jugées mineures.

On peut identifier différents scénarios de dépénalisation :

  • cela peut passer par diminuer les sanctions pénales (par ex. en supprimant les peines de prison).

  • cela peut aussi consister à supprimer toute sanction, par ex. pour la détention de drogues en dessous d’un certain seuil légal (comme l'a fait la République tchèque depuis 2010).

  • ou encore, cela peut consister à modifier la nature même des sanctions encourues : par ex. quand une sanction pénale est remplacée par une sanction administrative (typiquement, une amende).

Dépénaliser, c’est le choix qu’a fait le Portugal en 2000 en adoptant une réforme qui fait sortir du champ pénal la consommation et la détention de petites quantités de drogues, qu’il s’agisse de cannabis ou d’autres produits.

Le parti pris a été de considérer les consommateurs de drogues comme des malades plutôt que comme des délinquants et de favoriser une logique d'accompagnement vers les soins.

Dans tous ces scénarios de dépénalisation, l’interdit demeure.

Qu’est-ce que la légalisation ?

Par contraste, légaliser, c’est aller plus loin dans la logique de dépénalisation en levant l'interdit lui-même.

C’est permettre un accès légal au cannabis, selon différentes voies possibles : l’achat (qui peut se faire en boutique ou en pharmacie), l’approvisionnement via des coopératives de producteurs, comme dans les Cannabis Social Club, ou la culture à domicile (auto-culture).

C’est donc autoriser un marché légal, avec des producteurs et des vendeurs titulaires d’une licence professionnelle.

Légaliser le cannabis ne veut pas dire pour autant tout autoriser ; le marché légal est contrôlé par l’État, qui définit la marge de liberté laissée aux consommateurs mais aussi aux opérateurs économiques habilités à produire et à vendre.

Avec la légalisation, les pouvoirs publics revendiquent souvent une régulation qui va de pair avec des restrictions plus ou moins strictes selon les pays, comme cela existe pour l’alcool et le tabac, et qui incluent toujours une interdiction pour les mineurs.

Quels sont les pays qui ont légalisé le cannabis ?

Aujourd’hui, en février 2024, les pays qui ont ouvert un marché légal du cannabis à usage non-médical sont l’Uruguay, le Canada, et 24 États sur 50 aux États-Unis (où persiste néanmoins un interdit fédéral). D’autres États autorisent la culture à domicile ou les Cannabis Social Club, par exemple en Europe : Malte ou prochainement l’Allemagne.

Contrairement aux idées reçues, les Pays-Bas n’ont pas légalisé le cannabis. Depuis les années 1970, la vente et la consommation sont tolérées dans les coffee shops. C’est donc un régime de dépénalisation : le produit reste interdit mais il est possible d’en acheter et d’en consommer dans des coffee shops. Cependant, ce modèle de tolérance repose sur un paradoxe puisque ce cannabis est produit illégalement. Pour résoudre cette contradiction, le gouvernement a mis en place un projet qui autorise, à titre expérimental, la production légale contrôlée dans 10 municipalités sélectionnées. D’autres expérimentations locales de production et de vente légales de cannabis ont actuellement cours en Europe, notamment en Suisse.

Type de publication
Vidéos
Date de publication
Langue
Français
Auteur(s)
OBRADOVIC
Ivana
Édité par
OFDT
Drogue(s) et addiction(s)
Cannabis
Thématiques
Offres et marchés
Population(s) spécifique(s)
Adultes
Dispositif d'enquête et d'observation
Analyses des politiques publiques