Kétamine - Synthèse des connaissances

La kétamine est un produit hallucinogène utilisé en France en anesthésie vétérinaire et humaine (chlorhydrate). Elle provoque une ivresse particulière à faibles doses, des hallucinations et une sensation de perte de l’unité psychique et physique à fortes doses.

Grand format
Image
Flacon de Kétamine

Présentation

La kétamine est une substance dérivée du phencyclidine (PCP) produite chimiquement et utilisée comme anesthésique vétérinaire et humain. Elle est aussi utilisée depuis 2020 pour le traitement des troubles de l’humeur, en particulier pour les patients présentant un trouble dépressif résistant aux traitements (Spravato®).

La kétamine parfois dénommée « kéta », «  », « K », « Special K », fait partie de la catégorie des hallucinogènes. Détournée de son usage médical pour être consommée à des fins récréatives, ses principaux effets psychotropes à dose modérée sont des hallucinations et états dissociatifs, notamment une distorsion de la perception visuelle et corporelle. À très forte dose, la kétamine peut provoquer des effets de décorporation (sentiment de quitter son corps et de l'observer de l'extérieur), voire des pertes de conscience (appelée K-hole). C’est l'énantiomère S de la kétamine qui est le plus actif, notamment de par sa plus forte affinité pour le récepteur cible NMDA responsable des effets psychoactifs.

La kétamine se présente sous forme liquide incolore et inodore, qui une fois « cuisinée » (évaporation du liquide) pourra prendre la forme de très fins cristaux ou de poudre de couleur blanche. Elle est très majoritairement sniffée, mais peut également être injectée par voie intraveineuse ou intramusculaire.

Il existe d’autres substances hallucinogènes comme le LSD, les champignons hallucinogènes, le poppers, le GHB-GBL, le protoxyde d’azote : pour ces produits, voir les fiches dédiées.

Production/offre

En France, les substances hallucinogènes ne font pas l’objet d’un trafic organisé ou de grande ampleur comme d’autres substances illicites.

Saisies

En France, le nombre de saisies et d’interpellations pour usage simple et trafic ou usage-revente de substances hallucinogènes sont très faibles du fait de l’absence de trafic structuré. Ainsi, les quantités saisies, qui connaissent une part importante de variation aléatoire d’une année sur l’autre, ne sont pas réellement représentatives de la présence des substances sur le territoire national. En outre, ces substances hallucinogènes échappent aux kits utilisés lors des contrôles routiers.

Au niveau européen, des saisies de kétamine ont été signalées par au moins 16 pays de l’UE, la quantité totale saisie étant estimée entre 250 et 600 kilogrammes.

Offre

Selon les observations du dispositif de veille sur les évolutions et les phénomènes émergents dans le champ des drogues de l’OFDT (TREND) en 2022, selon l’espace d’achat, le prix pour 1 gramme de kétamine peut varier entre 20 et 50 € avec un prix courant dans les alentours de 30-40 €. A l’achat de plusieurs grammes, un tarif dégressif est parfois proposé. La vente au demi-gramme se fait également pour 20 €.

Le dispositif Système d’identification national des toxiques et substances de l’OFDT (SINTES) surveille les tromperies et adultérations atypiques des substances. Il a été parfois observé en 2022 que lorsque le produit attendu était de la kétamine, les analyses ont révélé de la 3-HO-PCP, la 3-MMC associée à de la 4-MMC, la MDMA ou de la prégabaline. Il est ainsi parfois observé des arnaques à l’énantiomère R de la kétamine, dont l’efficacité est bien moindre.

À partir de l’automne 2022, les coordinations TREND implantées en Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie ont recueilli des informations concernant des poudres de couleur rose, aux dénominations variables : « Tucibi », « cocaïne rose ». Contrairement à ce que laissent supposer les appellations mentionnées plus haut, ces poudres ne contiennent ni cocaïne, ni 2-CB, mais un mélange de substance existantes. D’après les premières analyses pratiquées par le dispositif SINTES, les forces de l’ordre et les dispositifs de réduction des risques et des dommages, la kétamine est la substance dominante dans ce mélange (associée à de la MDMA dans des proportions variables).

Consommation en population adolescente

À travers l’Enquête sur la santé et les consommations lors de la journée défense et citoyenneté (ESCAPAD), il est observé en 2022 que la consommation de kétamine concernait 0,9 % des jeunes de 17 ans. À l’échelle régionale, l’expérimentation de kétamine à 17 ans est un peu plus fréquente en Bretagne et Pays de la Loire (respectivement 2 % et 1,6 %) et moindre en Île-de-France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur en 2022 (respectivement 0.6 % et 0.3 %). Concernant la consommation chez les lycéens en général en 2022, 1,1 % ont déclaré avoir expérimenté la kétamine.

Consommation en population adulte

En France, la fréquence d’usage de la kétamine n’est pas connue en population adulte.

Au niveau Européen, la kétamine est disponible mais elle est peu surveillée, ce qui limite la compréhension de sa consommation et de son incidence sur la santé publique. Les estimations récentes de la prévalence de la consommation de kétamine au cours des 12 derniers mois chez les jeunes adultes varient de 0,4 % au Danemark en 2021 (16-34 ans) à 0,8 % en Roumanie en 2019. Les Pays-Bas ont signalé que la consommation de kétamine avait augmenté chez les jeunes dans les lieux de vie nocturne.

Conséquences

Les risques liés à une consommation ponctuelle

C’est au bout de 10-15 minutes que les effets se font ressentir lorsque le produit est inhalé, au bout de 30 minutes lorsqu’il est ingéré. Elle est consommée seule ou associée à d’autres substances, le plus souvent stimulantes (l’appellation « Calvin Klein » désignant le mélange avec la cocaïne, mais des associations avec de la MDMA et des amphétamines sont également observées).

Les effets négatifs évoqués par les usagers lors d’une consommation ponctuelle sont surtout les « bad trips », des malaises « à tonalité cauchemardesque » accompagnés d’angoisse, qui surviendraient en général lors de prises dans un contexte non optimal (personne fatiguée par exemple). Des effets durables, parfois sur plusieurs jours (usagers « scotchés » ou « perchés »), mais aussi des risques avérés d’accidents ou d’actes inconsidérés liés au vécu délirant sont également mentionnés. Les effets secondaires non recherchés sont également liés aux aléas dans la pureté des produits.

Les traumatismes ou blessures que les usagers découvrent après une séquence de consommation (du fait de son effet anesthésiant) constituent en outre un risque accompagnant son usage. Enfin, compte tenu d’une variabilité importante des effets d’un individu à l’autre et d’un dosage difficile à adapter, kétamine et GHB/GBL entraînent très facilement la survenue de comas – parfois recherchés par les usagers –, surtout en association avec l’alcool (K-hole ou G-hole).

Les risques liés à une consommation chronique

D’après la littérature scientifique, la consommation chronique de kétamine est liée à une plus grande survenue de cystite caractérisée par de l’incontinence, de la dysurie (irritation de la vessie/urètre) et de l’hématurie (présence de sang dans l’urine). Elle est également fréquemment liée à des douleurs abdominales très fortes, communément appelées « K-cramps ».

Les hallucinogènes n'entraînent habituellement ni dépendance ni tolérance, en particulier du fait de leur consommation en séquences relativement espacées. Cependant, une tolérance et une dépendance sont observées chez des usagers chroniques de kétamine. Les usagers fréquents rapportent une augmentation des doses au cours du temps, et d’autres cas de dépendance sont recensés dans la littérature.

Recours aux soins

En 2021, près de 300 personnes ont consulté un Centres de soin, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) dont le produit le plus problématique est la kétamine.

Perceptions/opinions

Les produits et leurs modes d’usage varient selon les événements festifs en fonction de différents éléments : les profils et les habitudes des publics présents, les types de musique diffusée, la présence de revendeurs, l’environnement et l’aménagement de l’espace, la durée de l’événement, la présence en son sein d’un service d’ordre, le risque de contrôle des forces de l’ordre à ses abords (certains produits, comme la kétamine ou le LSD, ne sont pas encore détectables par les tests salivaires et sont alors privilégiés).

Cadre légal et orientations publiques récentes

En droit international, la Convention de Vienne de 1971 sur les substances psychotropes classe comme stupéfiants la psilocine et la psilocybine, contenues dans certains champignons. Le droit français est beaucoup plus strict puisque tous les champignons hallucinogènes sont classés comme stupéfiants, quel que soit leur genre. Il en va de même des hallucinogènes d’origine synthétique comme la kétamine. À ce titre, les hallucinogènes tombent sous le coup de la loi du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage de substances vénéneuses. Ainsi, l'acquisition, la possession, l'usage, la production, le transport, la cession (même à titre gratuit) et la vente d’hallucinogènes sont prohibés par le Code de la santé publique et le Code pénal.

Selon la gravité des infractions de trafic, les peines encourues peuvent aller jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité et une amende de 7,5 millions d’euros en cas de participation à un réseau de trafic organisé.

La kétamine en usage hors cadre médical est inscrite en France comme stupéfiant depuis 1997 (Arrêté du 8 août 1997 modifiant l’arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants).

Depuis le 24 avril 2017, les préparations injectables de kétamine suivent la réglementation applicable aux stupéfiants, à savoir, en plus des parties déjà appliquées, la prescription sur ordonnance sécurisée et la traçabilité des entrées et sorties sur un registre spécial (Arrêté du 19 janvier 2017 modifiant l'arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants, ANSM).